Puisant dans le vernaculaire et l'histoire de l'art, relevant d'une stratégie de l'appropriation dont les artistes de sa génération sont friands, la production de Valentin Carron appelle sous certains aspects les adjectifs d'éclectique et kitsch, tout en se révélant avec le recul d'une étonnante cohérence.
Carron, qui émerge sur la scène de l'art un peu avant les années 2000, commence par puiser objets et formes dans la culture populaire de sa région natale, le Valais, dont la dynamique socio-économique est fortement marquée par un environnement alpin. Les productions de l'artiste vont peu à peu constituer une collecte d'objets, reproduisant sur le mode du pastiche les signes de l'identité culturelle de son environnement quotidien, comme en écho à l'artificialité d'une image régionale. Comme la plupart des démarches appropriationnistes, celle de Carron est teintée d'ironie, mais dessine aussi en creux une forme d'autoportrait et un carnet de bord de ses pérégrinations. Se plaisant à s'identifier à la figure du promeneur, c'est en effet dans l'espace urbain que l'artiste puise l'essentiel de ses références, avec une appétence toute particulière pour les sculptures d'art public qu'il regarde avec tolérance comme tout autant d'expressions d'un art populaire. 

Inharmonic (2014) renvoie à l'objet urbain de la grille – un motif récurrent dans la production de Carron. Réalisée en acier et peinte dans un noir mat, les dimensions relativement monumentales de la pièce et son poids renvoient très directement à son modèle urbain, indissociable des notions clivantes de propriété et de sécurité. Encore une fois, l'artiste joue avec les références – le motif prélevé ici renvoie à la grille de la peinture minimale d'une Agnès Martin. Mais le processus formel de reproduction adopté – un dessin tremblé réalisé à main levée à l'échelle 1/1 et usiné au plus près par un forgeron – vient rompre l'autoritarisme aussi bien des critères énoncés par ses pairs du minimalisme que de l'objet fonctionnel, y ajoutant une touche intime et sensible. (MD-2020)