Détail de l'œuvre
  • Joëlle Flumet (née en 1971, Genève (Suisse))
  • Street Retreat (la valise)
  • 2009
  • plastique, métal, bois, divers tissus
  • 15.8 x 50 x 8.4 cm
  • n° inv. 03043 / A - J

  • crédits photographiques: Renaud Marchand
  • Dans ses installations, objets, dessins ou photographies, Joëlle Flumet présente des éléments de décor ou d'action, imagine des "dispositifs mobiliers", amorce des fragments de narration suspendue. La présence humaine y est souvent sous-entendue, par des éléments d'architecture, de design ou des objets en attente de manipulation ; mais lorsqu'elle est explicitement dessinée, c'est d'un trait vectoriel impersonnel et glacé qui définit davantage une typologie qu'une personne : le fonctionnaire, le chasseur, le vieux couple… Le tracé à l'ordinateur, inspiré de la publicité ou des revues d'architecture, met à distance, déréalise et interdit toute empathie psychologique. La situation imaginée est souvent incongrue, et les rencontres improbables ; mais la scène peut aussi sembler de prime abord terriblement anodine. Le regard affûté de l'artiste dévoile avec humour quelques travers de notre société, et notamment le rapport ambigu de l'homme à son environnement. Elle pointe en particulier les ambitions modernes d'un monde aseptisé, orthogonal, enclos, où l'individu pourrait tout contrôler, y compris et surtout la nature, dont la force de croissance ou d'entropie pourrait s'avérer dangereusement anarchique. Celle-là doit donc être apprivoisée, le jardin vu du salon est mis en vitrine, le gazon tondu, les chemins rectilignes, les haies soigneusement taillées en murs infranchissables. Pourtant, comme pris d'une incoercible nostalgie, l'homme réintroduit la nature comme pur élément de décor, sous forme de papier peint, de plante verte en pot ou d'animal taxidermisé. Ces dérisoires tentatives de "renaturation", vouées à l'échec, révèlent les désirs contradictoires de l'homme civilisé : cherchant à mettre le monde sous cloche, ou à se protéger de l'autre, il se met lui-même en cage. 

    La valise de Street Retreat présente une mallette noire rigide et doublée, comme un étui protecteur pour instrument de musique. Mais le contenu surprend : accessoires de nettoyage, bouchons d'oreille, pic de jardinage, gants de coton blanc. On peine à trouver le dénominateur commun des objets assemblés là, si ce n'est qu'ils expriment une certaine défiance et un idéal de propreté, de classification, de protection, de confinement, bref des opérations d'emprise ou de contrôle de l'environnement. La valise fait partie d'un dispositif plus large, également intitulé Street Retreat, comportant un texte et un dessin. Le texte, trouvé sur internet, propose une "retraite dans la rue", soit l'expérience d'immersion de quelques jours dans la peau d'un SDF, comme exercice d'empathie et de prise de conscience sociale. Le dessin montre la vue d'un parc, où deux hommes semblent dormir à même le sol (promeneurs fatigués, clochards, ou victimes d'agression?). L'ensemble révèle nos difficultés à interpréter le monde, à agir sur lui, et à franchir les barrières qui nous limitent. (ABLB-2011)

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