Le travail d'Aglaïa Konrad s'est fait reconnaître aussi bien dans le monde spécialisé de la photographie (Camera Austria de Graz, prix international de Vevey, ICP de New-York…) que dans de prestigieuses expositions d'art contemporain engagées dans des réflexions sociales (Documenta X de Kassel, Manifesta 9 de Genk, Global Cities à la Tate Modern de Londres…). Sa démarche s'inscrit en effet avec pertinence dans des approches diverses, du formel au social, questionnant la matérialité de la photographie et ses modes de diffusion, mais aussi l'engagement de l'artiste, comme acteur critique révélant nos modes et nos lieux de vie. Dans le choix de ses sujets comme dans la constitution de séries cohérentes, Aglaïa Konrad manifeste son attention aux formes et aux structures qui régissent notre pensée et notre quotidien, et en particulier celles qui se concrétisent dans l'architecture et l'urbanisme sur tous les continents. Par la mise en évidence de la dissémination planétaire de certains principes architecturaux et urbanistiques, ses photographies participent à une véritable réflexion sur les impacts constructifs et sociaux qu'engendre une telle standardisation; car l'uniformisation extrême et la démesure des grands ensembles riment avec décontextualisation, anonymat, voire même déshumanisation. Sondant parallèlement les multiples potentialités de son médium, notamment comme révélateur de structures itératives, Konrad explore divers supports photographiques, dans leurs formats et leurs combinaisons, au travers d'une grande attention aux juxtapositions, contrastes, orientations et déroulés d'images : dans ses publications, dont elle maîtrise la mise en œuvre de bout en bout, mais aussi en proposant divers modes de monstration et de contextualisation. On peut ainsi découvrir ses photographies agencées en alignements réguliers de formats identiques, en accumulation de photocopies calibrées, en compositions quasi abstraites où les divers formats se juxtaposent comme un puzzle, montées en vidéo dans une suite de plans fixes, en cartes postales sur des présentoirs spécifiques, ou en larges dispositifs tridimensionnels... 

Cet ensemble de 11 photographies regroupe des vues aériennes de paysages périurbains issus de tous les continents, qu'on peine à reconnaître; aperçues ainsi à distance, les extensions du Caire, de Shenzen ou de Sao Paolo apparaissent sans que la présence humaine puisse s'y manifester autrement que par de larges plans directeurs fascinants mais souvent inhospitaliers; et lorsqu'un bâtiment particulier se détache de son contexte, c'est sa composition géométrique uniformisée qui en exprime le caractère normatif et contraignant. Loin de l'élégance des tirages brillants et sophistiqués des galeries commerciales, Konrad choisit ici des tirages noir-blanc en basse définition, pixellisés, aux formats identiques, et collés directement aux murs, renforçant ainsi la distanciation, la banalisation brute et l'abstraction froide, parfois grinçante, de ses sujets. (ABLB-2018)