Constitué en 2002, le collectif_fact s’est d’abord composé de trois membres, Annelore Schneider (1979), Claude Piguet (1977) et Swann Thommen (1979), qui en est sorti en 2009. Dès le départ, les axes autour desquels s’est articulée leur démarche ont été clairement définis : d’une part, la ville (urbanisme, publicité, signalétique) et les comportements qu’elle induit ; d’autre part, le cinéma. Dans un cas comme dans l’autre, ce qui les intéresse et qu’ils questionnent sans relâche, c’est notre rapport à un réel dupliqué, par les nouvelles technologies de l’image et par les procédés cinématographiques. S’inspirant des effets des animations vidéo, des logiciels de modélisation 3D et des possibilités de montage du cinéma, ils déconstruisent les apparences par prélèvements puis réassemblage. Leur spécificité est de ne pas utiliser ces outils, comme il est habituellement d’usage, de manière mimétique, mais à l’inverse, comme producteurs de doute. A la surenchère caractéristique des jeux vidéo et du cinéma hollywoodien, ils privilégient la réduction, procédant par extraction et par collage. A l’effet de réalité, ils opposent ainsi l’évidence du simulacre. Analysant leur travail, Hervé Laurent parle à ce propos en termes d’« effets plus spécieux que spéciaux ».
L’intérêt du collectif_fact pour le cinéma américain apparaissait déjà dans leur l’animation 3D intitulée Bubblecars de 2004, qui s’inspirait de l’imagerie de la catastrophe, avec d’interminables poursuites de voitures. Mais ce n’est qu’en 2010 qu’ils ont commencé à réaliser eux-mêmes des vidéos, dans lesquelles ils décomposent le langage cinématographique. Comme ils le faisaient précédemment dans leurs installations, leurs montages photographiques et leurs animations 3D, ils y rendent visibles – et audibles – les artifices, ici du cinéma, produisant des décalages entre l’attendu et ce qui arrive. 

Le Fonds cantonal a acquis deux de ces vidéos : A Story like no Other de 2010, dont le scénario a été écrit à partir de voix-off collectées dans différentes bandes-annonces de films hollywoodiens, et Hitchcock presents, de 2010 également, inspirée elle aussi d’une bande-annonce. Il s’agit cette fois de celle réalisée par Alfred Hitchcock en 1960, pour la sortie de Psycho. Tournée dans les décors de son film, le réalisateur y présente lui-même l’intrigue. Réutilisant la bande-son originale, le collectif_fact l’a transférée dans le décor de la Maison Blanche du Corbusier, à la Chaux-de-Fonds, dont il propose de cette façon une visite inhabituelle, pleine de suspense et d’intrigue. De ce fait et avec surprise, c’est à la maison du Corbusier qu’est attribué le premier rôle de ce scénario à sensation. (DD-2012)