Détail de l'œuvre
  • Chloé Delarue (née en 1986, Le Chesnay (France))
  • TAFAA - IROITO
  • Série TAFAA
  • 2017
  • technique mixte
  • 313 x 230 x 320 cm
  • n° inv. 03266 / A - P

  • crédits photographiques: Serge Fruehauf
  • TAFAA. À la première lecture, TAFAA évoque une douceur orientale ou, pourquoi pas, une petite ville nichée entre les dunes du désert. L'acronyme, une fois déployée, présente pourtant un énoncé bien plus technique: Toward a Fully Automated Appearance, ou, en français, vers une apparence entièrement automatisée. Une simple recherche sur internet avec ces mêmes mots-clés introduit le novice à un chamboulement déjà bien entamé: toward a fully automated stock exchange, toward a fully automated psychotherapy for adultstoward fully automated driving, ou la bourse, la psychothérapie et la conduite de véhicules par algorithmes. 

    La plasticienne Chloé Delarue développe sous cette dénomination un ensemble de séquences – terme choisi par l'artiste pour désigner ses installations – qui constituent depuis 2015 une série complexe et intrigante de grandes constructions en latex, cuivre, matériaux plastiques et végétaux d’origines diverses, métaux, écrans désossés et carcasses électroniques en tous genres. Diplômée de la Villa Arson à Nice, puis de la HEAD, à Genève, elle maintient son travail dans un état d'impermanence qui happe le spectateur. Les installations l'engloutissent en effet pour faire de lui l'un des éléments d'un système à entropie élevée, en vase clos et sans perte d'énergie aussi inapplicable que cette énergie soit. Les séquences de la jeune artiste semblent pilotées par des formules accessibles aux seuls initiés: en s'intéressant tant à la décrépitude des corps qu'à celle du matériel électronique, tant à l'impact réel des technologies sur nos vies qu'aux visions fertiles auxquelles elles donnent naissance, ses œuvres oscillent entre science-fiction et observatoire de mutations biologiques. L’artiste fait partie d’une génération nourrie de films d’anticipation, dont le langage cinématographique exploite les grands écarts chronologiques et spatiaux quasi infinis offerts par le médium. Son utilisation de certains matériaux, comme l’intérêt pour le corps et la métamorphose, peuvent évoquer des recherches des années 1960-1970, telle l’œuvre de l’Américaine Eva Hesse ou de la Suissesse Heidi Bucher. En effet, le travail de Delarue est aussi – la science-fiction peut se révéler moins désincarnée qu’on ne le croit – pleinement dans la matière et les sens : l’odeur de latex pince le nez, le grésillement de vieux néons et du matériel informatique irrite légèrement l’ouïe, tandis que le regard s’agite devant l’aspect charnel des moulages évoquant à la fois des peaux qui suintent et des organismes défaits. 

    Les épisodes de TAFAA sont issus d’une même matrice à l’origine mystérieuse, elle-même génératrice d’un écosystème artistique. Les éléments interagissent ainsi par définition dans un réseau partagé et peuvent en disparaître pour laisser la place aux suivants : les séquences de Chloé Delarue sont en quelque sorte vivantes, naissent, s’abîment et meurent inévitablement, dans la certitude cependant de l’éclosion d’une séquence prochaine. Le risque, assumé par l’artiste, est qu’au fil des mutations, cet écosystème explose, que les naissances finissent en clones et que la matière cède sous la pression des sosies qu’elle aura produits.(PK-2018)

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