Détail de l'œuvre
  • Jean Crotti (né en 1954, Lausanne (Suisse))
  • Sans titre
  • 2008
  • gouache et crayon de couleur sur carton
  • 62 x 50 cm
  • n° inv. 03016

  • crédits photographiques: Georg Rehsteiner
  • Dès le début des années 1990, depuis sa première résidence au Caire où il vivra une part de son temps jusqu'en 2001, Jean Crotti se consacre à une figuration d'apparente simplicité, où la figure humaine est centrale, tant dans le sujet que dans la mise en page. Tandis que les formats se sont longtemps limités à des dimensions modestes, la représentation se concentre sur l'essentiel : les traits d'un visage, souvent de face et en gros plan, se définissent d'une ligne qui dessine l'arrondi du visage, la bouche, le nez, les yeux; une teinte évoque la carnation, la chevelure, un vêtement… Les moyens choisis se limitent au strict nécessaire, comme contraints par des conditions précaires de réalisation : un support de récupération, bois, tissu, carton usagé, auquel s'adapte une technique ordinaire, gouache, broderie, crayon de couleur, encre… Ces restrictions de format, de sujet, de traitement, de support, de technique, concourent à supprimer toute emphase, tout effet spectaculaire, au profit d'une présence contenue, familière et touchante de l'homme. Les supports usagés, marqués par leur passé et leur histoire, racontent l'épreuve du temps, et renforcent le caractère éphémère, fragile et vivant des portraits. On peut y deviner l'impact de certaines découvertes de Crotti en Egypte : l'intensité des portraits funéraires sur bois du Fayoum, saisissants de véracité et de vie malgré leur distance séculaire, la naïve fraîcheur de l'art populaire, broderies, enseignes, affiches peintes, ainsi que la pauvreté matérielle associée à la débrouillardise et à la générosité humaine de la population… De fait, les portraits peints ou dessinés de Crotti naissent non pas de séances de pose en direct, mais d'images, et surtout, dans les travaux récents, de photos personnelles ou anonymes, tirées de magazines ou de sites de rencontre sur internet. L'artiste recompose alors l'image source, effaçant tout contexte, évacuant la froide précision photographique, exhumant une silhouette allusive, souvent incomplète, évanescente, animée d'une vie nouvelle et fugace. 

    Dans cette œuvre, Sans titre de 2008, apparaît, plus grand que nature, le buste d'un jeune homme de face, dans la pose classique du portrait peint ou de la photographie d'identité, le visage sans expression particulière, le regard tourné vers le spectateur. Le support est un fragment de carton d'emballage quelconque, dont la couleur brune transparaît par endroits sous la gouache grise et blanche de la préparation de fond, ainsi que sur la découpe assez brute des bords. On perçoit la structure cannelée du carton, qui trame et rythme les aplats de couleur, le crayon butant légèrement sur une arrête ou sautant un sillon, caressant la surface avec une douceur tactile et sensuelle. La couleur se concentre sur la chevelure et les vêtements, T-shirt et veste, tandis que le visage reste transparent sur le fond pâle, hormis les lèvres roses, charnues, et les yeux verts : apparition silencieuse, comme dissoute par une lumière vibrante, évocation sentimentale et nostalgique surgissant d'un souvenir et retournant vers l'absence… (ABLB-2011)

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