Michel Grillet est un peintre de paysage, qui utilise les techniques à l'eau de la gouache et de l'aquarelle. Enoncé de la sorte, on pourrait imaginer une pratique nostalgique, voire passéiste. Et pourtant, à partir de ces éléments classiques s'il en est, l'artiste adopte une approche qui l'inscrit résolument dans les démarches contemporaines. Dès le début de sa carrière, au milieu des années 1970, Michel Grillet fait des choix auxquels il ne dérogera plus par la suite. Avec constance, il travaille sur les paysages de son enfance, limitant ses motifs à la montagne, au lac et au ciel, diurne et nocturne. Rien d'immédiat ni de spontané, ce qui explique qu'aucun de ses paysages ne soit topographiquement identifiable. La relation n'est jamais directe, car ce qui intéresse Grillet, ce n'est pas la fugacité de la sensation, mais comme il le dit : "l'image de la nature et la nature de l'image". Il extrait de ses souvenirs des lignes, des couleurs, dans des vues toujours frontales, présentées à hauteur de regard. Il s'agit donc, comme l'exprime le titre de la série, de "mémoire de paysage". Les images qui en résultent sont d'un grand dépouillement, tant formel que chromatique, sortes d'archétypes dénués de tout pittoresque. Cette forme d'ascèse dans l'aspect visuel se retrouve dans la discipline de travail et sa continuité depuis des années. A la réduction des thèmes répondent celle de la palette, définie par des bleus et des gris, et celle des formats. Il y a en Suisse et à Genève en particulier, toute une tradition de la miniature, dans les domaines de l'horlogerie et de la peinture sur émail, où s'inscrit l'artiste. Quant à la pratique de la série, que Grillet exploite depuis ses débuts, elle découle d'une réflexion de la peinture sur la peinture, que l'usage de la pastille de gouache comme support met en exergue depuis 1977. L'artiste parle lui-même de "pensée de l'œil". 

Tout en continuant en parallèle à peindre sur papier, Michel Grillet a commencé à travailler sur des pastilles de gouache rondes, avant de faire le choix, en 2000, de ne plus utiliser que des tablettes rectangulaires. Ce changement de format s'accompagne d'une autre modification, la conservation du godet en plastique blanc. L'artiste prend cette option pour l'effet de cadre et l'analogie avec les écrans sur lesquels passe la communication : télévisions, ordinateurs et téléphones portables. A la virtualité des images mobiles, Michel Grillet répond par la permanence de la peinture et de ses représentations, dont il souligne la fixité. Il crée ses paysages en posant délicatement des touches de gouache de la pointe du pinceau. Comme pour la calligraphie, la précision du geste est telle qu'elle demande une préparation intérieure, un calme de l'ordre de la méditation. Une fois peintes, l'artiste organise ses pastilles en ensembles rigoureusement alignés et précisément espacés. Si la perception des grands formats aspire hors de soi, celle de ces très petits paysages invite au recentrement et à la concentration du regard. (DD-2018)