Basée entre Berlin et Genève, Katharina Hohmann est à la fois artiste et organisatrice d''expositions. Elle s'intéresse tout particulièrement aux lieux porteurs d'histoires et à l'espace public, dans lequel elle intervient de manière pérenne ou temporaire. Dans sa production, elle use d'une grande variété de pratiques : peinture, sculpture, installation, céramique, photographie, son, vidéo, ou encore livre. L'enseignement constitue également un pan important de ses activités : après avoir participé à la création du programme "Art in Public Space and New Aristitic Strategies" de la Bauhaus Universität de Weimar, elle intervient dans l'option construction de la HEAD à Genève. Ses travaux entretiennent toujours des liens étroits avec leurs contextes. Ainsi par exemple, en 2011, lorsqu'elle a inauguré les interventions contemporaines sur le cycle Odyssée de Friedrich Prellers, peintures murales sur l'épopée homérique, au Neuen Museum de Weimar, Katharina Hohmann a répondu à l'invitation par une installation intitulée Passage. Résidant alors entre Genève et Weimar, elle a pris d'innombrables photographies au cours de ses voyages en train, dont une sélection d'environ 300 était présentée dans un dispositif faisant écho aux peintures murales. Ou en 2019, pour son exposition à la Kunsthalle d'Osnabrück, située dans l'ancien monastère dominicain de la ville et intitulée Inventaire. L'artiste s'est rendue sur place pendant une année afin de faire des recherches. Pour rendre l'histoire de ce lieu visible, elle a exploité les archives et a proposé une installation multimedia (environnement sculptural, dessins, vidéos, enregistrements) accompagnée de deux livres d'artistes. Ou encore en 2021, pour le bureau des impôts de Karlsruhe, où elle a conçu une installation permanente dans une vitrine, intitulée Aerarium, qui présente 600 bouteilles, toutes dessinées par l'artiste, remplies de parfum. De cette façon, elle rappelle l'histoire du site, sur lequel était implantée une ancienne usine de parfum, et contredit l'adage selon lequel l'argent n'a pas d'odeur.

Les six aquarelles de la collection sont issues d'une vaste série intitulée Empty. Elles ont été réalisées lors du premier confinement, entre mi-mars et mi-mai 2020, pendant lequel l'artiste s'y est consacrée en continu. Une publication restitue l'ampleur de cette entreprise. Empêchée de voyager en raison de la crise sanitaire, Katharina Hohmann s'est beaucoup promenée dans le centre-ville de Genève, où, dit-elle, elle aimait "regarder à travers les vitrines réfléchissant le vide des boutiques, où les meubles d'exposition apparaissaient comme une sorte de géométrie minimaliste, des décors aussi hypothétiques que présent." Ces aquarelles, vidées de toute présence humaine, tant à l'intérieur que dans les reflets visibles sur les vitres, produisent un étrange sentiment, fidèle à celui ressenti lors de cette période si particulière. Les acteurs ont disparu, les accessoires aussi. Ne demeurent que les structures rythmiques d'étales désertés de toute occupation, dont la troublante vacuité rejoue la vanité classique, mais à revers. La disparition ne menace pas, elle est déjà passée. Le décor seul demeurant, tout sens s'en est également retiré. (DD-2022)